Journal poétique / www.jouyanna.ch

Danse-Forêt

dimanche 19 juin 2016, par Anna Jouy

Depuis quelques heures maintenant, la masse crépue de Danse-Forêt s’agite et ondoie. Une mer verte, chevelure embrouillée, éprise d’un vent continu et régulier. Un mouvement, provenant d’un souffle glacé des toundras lointaines et qui balaie le couloir fendu de Fleuve-Mer depuis le cœur du continent. Un vent incessant, entraînant avec lui les séquences parfaites d’un cor mystérieux, un bruit monotone et entêtant que l’on ne sait identifier véritablement mais que l’ouïe restitue en pressions crâniennes fortes et douloureuses chez les habitants de Mozog. Danse-Forêt serait-elle entrée en transe ? Les boucles du feuillage suivent le mouvement, étirant vers la mer leur filasse végétale. Du ciel, on aurait dit que la terre rejoint la fluidité de l’eau qui lui est proche, une texture flasque et moutonneuse, faite de vagues, de feuilles et d’air. Les éléments se pénètrent soudain et la cité semble provisoirement aquarellisée sur les mappemondes et les radars météorologiques de tous les satellites. Mais le phénomène, trop local, trop circonscrit n’inquiète pas encore le reste du monde. Ce qui se joue là risque pourtant de perturber tout le système, et l’état instable de la ville est un phénomène aux incidences urgentes. L’eutrophisation générale de ce coin du monde est une tumeur à laquelle on se doit de prêter un maximum d’attention. Et qu’un souffle en vienne soudain à menacer la vie entière d’une ville risque de changer le cours entier de l’existence.
Si la mer de feuilles ondule doucement sur les écrans de lointains ordinateurs, il en est bien autrement au cœur vif des arbres. Le bruit des branches, fouet persistant des hautes ramures est assourdissant, usant et laminant les nerfs. Les fûts les plus jeunes s’agitent, craquant et brisant le cœur de leur bois. L’espace de Danse-Forêt est devenu si mouvant qu’on pourrait le comparer à une masse d’êtres agités, déhanchés, pantins d’une rythmique hors contrôle. Les arbres paraissent fous, bruyants, sauvages, prêts à s’échapper d’un enclos qui les retient à peine encore. Tout parait ne tenir debout que par habitude, proche cependant de s’affaler de fatigue et d’épuisement.
Au ras du sol, pas un souffle, qu’une sépulcrale inertie.


extrait...

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