livre des suites
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Le matin je ne sais jamais quel mot sortira...
15 novembre 2018
Le matin je ne sais jamais quel mot sortira en premier de ma bouche. Il faudra bien qu’il y en ait un. Et lui comme un conquérant ouvrira l’épopée de mes bruits. Le suivront quelques chevaux, des ânes, des poules et des fourmis, le poème épique d’un chat de gorge.
Que je salue, prie ou jure, c’est une armée incertaine.
Ce matin il fait froid. La petite cohorte soulève des buées de ma bouche. Ah ! cette illusion de grand (...)
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Il y a ce réservoir, tous ces mots, ensemble...
7 novembre 2018
Il y a ce réservoir, tous ces mots, ensemble noir au fond du pot. D’un fil d’acier, j’étire les phrases, comme je détricoterais l’encre de ses mailles secrètes
Ce mot, ce bruit, cette chaîne qui fait tourner dans le gras de ma voix les rouages d’une langue. Sur le papier, ce ne sont que des hologrammes revêtus d’alphabet. Je ne les touche pas, je ne les goûte pas, ni ne les sens ou respire. Je vois. Et mon œil absorbe l’image d’un son et le (...)
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La poésie c’est rarement ce que j’ai voulu...
24 octobre 2018
La poésie c’est rarement ce que j’ai voulu dire. C’est toujours ce que tu as pu lire.
Chaque fois. Tu as ton havresac d’images. Tu me prêtes l’oreille, c’est toi qui reconstruis ma voix. Tu me donnes ma chance, tu tires au sort un chant neuf au fil des mots
La poésie n’appartient pas, c’est une ressource universelle, de l’air, de l’eau, de l’eau dans de l’air…
Chaque poète ensemence ses frères, chaque frère ensemence l’ami. ( celui que j'aime (...)
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à la sortie du texte, prendre un raccourci...
17 octobre 2018
à la sortie du texte, prendre un raccourci avec moi-même. quel héros quelle vie...! me sentir habitée potion saignante dans les organes. j'ai vécu. un temps, un espace vertical causant droit dans le poste à poème.
je sors d'entre les pages, emplie des spores joyeux et fous d'une parole. y avait-il une histoire, une légende et sa belle leçon ? y avait-il de la rime, des revirements de fortune, des sens uniques, une voix sans issue ?
je (...)
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Par quel chemin aller alentour d’un visage,...
8 octobre 2018
Par quel chemin aller alentour d'un visage, comment les doigts sauront-ils une empreinte
Lire parmi les souffles celui qui est le tien
Le matin je file rivière tisserande la fumée de l'autre monde
elle tapisse la plaine, éparpille les traces de ton nom.
Dois-je écouter, dois-je appeler.
Quelque part, on respire et je ne sais plus retrouver ton (...)
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nous l’avons ouvert, d’un coup de cuillère...
5 octobre 2018
nous l'avons ouvert d'un coup de cuillère
le soleil,
décapité l'oisillon, défenestré le mégot
balancé ses écailles comme du gravier sur les routes blanches
assaisonné d'eau de mer, de figues granuleuses
dévoré
nous l'avons pris dans nos tenailles d'ivoire, une pièce d'or à serrer aux mâchoires.
le soleil
ce mot de littoral, d'horizon, de chute et de basalte à consommer cru,
cette glu de lumière nous retenant au ciel
on veut voir, on y croit, (...)
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soustraire la maison
28 septembre 2018
soustraire la maison, éloigner l’ailleurs d’un revers de volet.
Ici perdre quelque chose ; éprouver les angles, les pas de porte, expérimenter les murs calibrés comme des parts de gâteau d’un doigt sale.
les meurtrières ont des noms d’artistes. Ici Dupont, là Durand, parfois même le mien qui n’ouvre sur rien. elles dardent des failles leur lance muette.
essuyer le leurre d’une buée.
dans la maison, éclaircir le champ des boucans. élaguer (...)
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L’homme cisaille la haie. Quel monstre dévore...
22 septembre 2018
L’homme cisaille la haie. Quel monstre dévore le silence ? J’entends les dents des moteurs.
Je ne sais quel poème je taille, un dire rond roulant sous la langue.
Je suis des ouvriers puisards, des tourneurs de manivelles. J’imprime mon pas sur l’asphalte immobile, mon corps est un tunnelier d’astronome. Je décalotte mon terroir et sa nappe de carbures. Dedans l’émulsion de l’amour et du sang enflamme les torchères infinies. Je pétille du gaz (...)
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personne n’est venu dans la chambre et...
6 septembre 2018
personne n'est venu dans la chambre
et l'arbre non plus qui tousse des ombres
personne n'a franchi les fosses du sommeil
j'étais dans le revers des murs, entre les dalles du temps
personne, vêtu de pas et de lampe, vêtu de solitude
il n'y a là qu'un lit qui dort
j'essaie alors le bâti des écorces, les architectures du bois, les planètes merises
comme s'il fallait connaître à l'aveugle le terrain du futur
j'entre dans tes fenêtre
j'entre (...)
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Tôt le matin
24 août 2018
je cherche mes mots sous l’oreiller, des mots froissés avec des plis de sommeil
Le souffle revient, il ramone. Chaque syllabe fait mal, je suis toute percée de dires.
Tôt le matin la draisine du poème me pompe à bras le corps
Je pousse, je tire, je respire par les épaules, par l’os clavicule. Et quand j’expire, c’est comme un arrêt dans la mort, une gare en cul de sac.
Je suis un buisson éphémère qui secoue des oiseaux, un buisson de papier (...)