toute la parole, toutes ces paroles, que je voudrais mettre en mouvement, peut-être pour sentir quelque chose avoir vibré, quelque chose être enfin, simplement .
cette zone du mirage qui est de m’appliquer à écrire, zone entre soleil et désert, entre air et frictions dans l’air. toutes ces choses que je n’ai pas apprises, que je n’ai pas lues, qui sont le fruit maigre de mon expérience maigre. le résultat d’une échappée de ma solitude, allant vers un hypothétique ami, un vivant qui aurait lui aussi besoin de se créer, de se sentir vif, au sonar, au radar, de la définition des ondes que font les textes...

je dis hypothétique et pourtant je crois que l’amitié existe, qu’il ne devrait jamais y avoir à la remettre en cause, en question,. je crois que c’est une épreuve terrifiante que de vivre ce genre de rupture, pour celui qui écrit encore plus que pour tout autre, car cet événement tue en lui le sens de cette parole extraite, pas pour faire beau ou intelligent, mais pour faire le vivant. il tue le don fragile que l’on fait à la vie et qui est de se dire pour mettre en danse l’espace de l’autre, de beaucoup d’autres , même qui sait potentiellement de la Terre entière.

alors l’écriture disparait, s’immole. elle devient l’acte le plus désespéré possible, autodafé, suicide, la mise en cendres du lien et donc de soi.
j’ai expérimenté cela, je l’expérimente encore, autant entre mes doigts qui sont mis en demeure d’écrire et donc de me blesser, que dedans, dans ma chair : je suis accomplissant mon acte de mort et d’effondrement. j’écris et l’ami, l’autre a non pas pris distance mais pris néant, emportant l’air avec lui. rien ne scintille et palpite. les mots tombent de moi et défont lentement la terre dont je suis faite, je glisse vers le sol, le silence.
de la même façon que s’est affaissé l’amour, le possible de l’amour, anéanti, et que c’est un effacement qui est au- delà des mots