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oubliettes et ambulances 2

Au plus simple.

lundi 13 février 2017, par Anna Jouy

Au plus simple.

Intense masturbation de caillou. Les pierres éjaculent des messes noires, charbon juteux sous l’âtre. Tu ne bagues aucune rivière dans le goulet de tes doigts. C’est pareil des branlées de sentiments. Tu pries comme on achète des ronds dans l’eau pour pêcher à la ligne. Tu écris comme on roupille, on rumeur, on panique. La vie a des airs de chatte mal poilue, d’hameçons faits des brins ficelés de ton dernier rêve. La douleur n’est même pas une couleur, c’est un fil à un bouchon captif.
Tu es la mauvaise conscience du réverbère, une épingle dans le cortex du ciel. Élastique ton petit pouls saute, oscillant sur des larsens et des décibels aveugles essaimant le bal et tes désordres. Une rame après l’autre à la pioche de l’oubli, tu te crois apte à hisser le soleil. Les tiroirs de la mémoire ont l’air de coller à la transparence.
Alors, tu choisis la pierre. La compaction de la terre, la terminaison nerveuse de l’aride. Le caillou, planète morte enfermant ses fleurs, ses forêts, ses mouches au plus simple. La pierre qui n’est pas la base, mais l’ultime état. Résidence désormais d’une unique vie, une onde, le magnétique silence de l’univers.
Tu choisis la pierre, le bloc sédimentaire. La compression de feu jetée dans l’eau. Volcanique. Mais peut-être est-ce elle qui consent ?
On est tous une montagne d’os et d’ancêtres. Certains comme toi portent en eux le minerai d’histoires. De ce monde, la pierre est le rejet, la part triée de la vie. Et ça devient éternel, l’immensément rien en devenir. Toi, dur aussi, fermé. Toi, cendres et sables des êtres que tu fus.
Oui peut-être, la pierre te choisit pour y graver ses traits.
Tu ouvres le galet jusqu’au sable et attends que l’eau simple caresse l’inutile. Un sable dans le port n’est que ballast de légèreté.

Rester suspendue aux lèvres de ce creux, une onde parle au fond. Le bruit du caillou dans le puits, le bruit de l’eau qui reçoit le caillou, le bruit de l’éloignement du bruit. La dissolution, la dispersion et le ravage tranquille du silence.
Baisser le son. Très lointain murmure. Mettre ainsi l’ailleurs en scène. Là-bas, dont tu ne saisis ni le message, ni le souffle. Malgré tout une vibration.
Prêter l’oreille, et pour cela fermer les yeux. Fermer le voile des yeux, le tremblement de cils qui fausse l’ouïe et te dérange, captant des choses sans importance. Amoindrir le geste, le rendre quasi nul. Tout cela et écouter.
Ramener ensuite ton filet vers la berge. Malgré tout une vibration.
Alors une image vient, comme un chuchotement. Onde qui se donne visage, ondulant sur la surface de l’eau. Figure traversée par les frises. Tu articules des sons encore inaudibles. Descendre toujours. Percevoir bientôt dans la profondeur de cette béance, l’articulation secrète. Quelques mots qui s’échappent et nagent.

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