ils étaient deux. deux experts : ils savaient parler sans laisser un seul trou dans la phrase. pas le plus petit trou d’air pour que je puisse respirer. ils ont dit qu’ils étaient importants, que c’était des officiels, des mandatés. ils ont dit que j’avais droit à des réductions, ils savaient mon nom mon âge ma maison. ils ont insisté, dit que je devais rester cool, détendue ont-ils ajouté... on viendra demain. pour vous aider. je sais que ça n’existe pas, ce genre de bienfaiteurs. j’ai entendu malfaiteurs, clairement.
j’ai le coeur dans le cou, les nerfs aiguisés à la pierre, la peur me serre en cage. les salopards, ils sont si forts avec leur flux de parole qui t’embobine, te culpabilise, te file les doutes, te flatte ensuite avec de la graisse de mots, du gras d’engrenage.
ils vont venir, ils sonneront maintes fois. j’ai clos ma porte. je me tiens dans l’angle immobile de la chambre. j’attends qu’ils passent comme un commando de mafiosi, des voleurs de vieux, des arnaqueurs avec des dents blanches, des mains glacées et la gomina qui plaque leur chevelure sur la citerne vide de leur tête...
j’ai le coeur dans le cou, c’est la peur de moi, la peur de ma faiblesse, la peur puisque je sais qu’ils parleront beaucoup, me feront croire et que moi je suis juste un être silencieux