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Il y a ce grenier intérieur... J’ai souvent...

lundi 9 novembre 2020, par Anna Jouy

Il y a ce grenier intérieur... J’ai souvent pensé être une maison, avec des pièces à vivre, à dormir, à secrets. Et puis des escaliers, au milieu, je ne sais pas pourquoi, par manque d’imagination je crois, parce que les vertèbres y font penser, échelle d’os. Et puis un galetas donc.
Chacun qui pense grenier voit un endroit empli des restes de la vie, l’encombrement des vieilles affaires. Un cimetière des jours. Mais mon grenier est immense et vide. Large, haut, on voit les poutres, je m’y tiens debout sans peine.Je vois ce sol de bois gris des lames usées de lumière. Celle-ci arrive de côté, je n’ai jamais vu la fenêtre ou l’œil de bœuf. Je ne détourne pas la tête du fond de la pièce. J’y entre parfois, ce n’est pas quand je dors, pas quand je rêve. C’est quand je cherche à me reconnaître, seulement dans ces moments-là que je me rappelle cet endroit et que je m’y rendss. Je vois un haut rectangle brun à un mètre du sol. C’est un tableau sur un chevalet,le dos d’un tableau avec un cadre mince ou alors pas d’encadrement, cela dépend de mon attention aux détails. Ce grand rectangle vide presque de la même couleur que le parquet ou les lambris bruts de la pièce. La première fois que je suis entrée ici, j’ai avancé vite pour voir de quoi il s’agissait mais maintenant je suis plus inquiète. Comme si quelque chose de nouveau avait pu advenir, comme si je le redoutais ou craignais que malgré mon absence depuis des semaines dans cette pièce, quelque chose avait mué sans moi. Je m’avance donc, avec cette précaution que je peux avoir quand j’ai peur, parce je sais que je vais être secouée de revivre encore une fois cette identique émotion, -qui m’attend là, intacte et différente aussi, plus violente encore d’avoir été oubliée- et venue de la promesse qu’elle tient à chaque foisde renaitre.
C’est un tableau, un portrait. Depuis toujours je crois que c’est le mien, j’ai décidé que c’était moi. Le portrait de mon être ou de mon âme, de mon souffle, de ma vie précédente. Je n’y vois pas mon visage. Il y a des yeux cependant qui ne me trompent pas. Ils me fixent intensément. Et tout ce qu’ils disent s’agite en moi comme une eau qui se met à bouillir. C’est que je change au fil du temps, c’est que je prends forme ou me déforme. Et je comprends, à l’abri de ma maison et de ces chambres utiles, destinées au faire des jours, que tout finit par monter au grenier pour flouer mon regard.

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