Journal poétique / www.jouyanna.ch

all inclusive

samedi 8 février 2014, par Anna Jouy

Entre temps, quelque chose essaie d’entrer ; les mots par petites touches se faufilent dans les derniers interstices. Je les regarde fourmis rouges, venues de l’autre côté de la corne, de l’abri qui a poussé tout autour, carapace de joli ciment vert dans laquelle je me tiens en tortue.

Entre temps, j’attends : Je suis l’animal dans la cage, le verre, les arbres morts qu’on y a mis pour que je m’y balance, que je puisse être vue sans jamais que personne ne me dérange. Je me tiens, je m’épouille, je me gratte et je déguste paisible les dernières feuilles d’eucalyptus

Entre temps, je suis sous la coquille je suis serrée trop chaude trop grosse trop touchée de partout encore gluante des viscosités de ma gamelle. Je me suis toute bouffée j’ai tout rupé, échangé la soupe contre des plumes des ailes un œil très rond et pas le moindre cil. Je n’ai plus rien maintenant à offrir pour la liberté qu’un coup sec pour briser la coquille.

Entre temps, je sens parfois le souffle, un être parle dans la coque de mon oreille. Il souffle en imitant le vent. J’imagine que c’est lui, que c’est l’autre au secret dans l’autre chambre, celle où vit le grand monde qui parle

Entre temps, je tiens le compte des visiteurs, des cafards, des mouches, des petites araignées cent fois plus vives que moi, qui traversent le rai d’une porte tandis qu’impuissante je recule sous la force des fers. Je sais au millimètre l’étendue de mes sujets, le nombre d’entre eux qui sont sains, les grands malades et les nouveaux -nés les nouveaux morts. Chaque jour, je fais le décompte des naissances et des disparitions.

Entre temps, je suis cette femme insérée, cloîtrée, longtemps, des heures entières. Et personne qui vient et personne qui ne repart. Les stores baissés dès le début du noir et les verrous bien mis, qui revérifie souvent l’état de sa boîte, du fortin. Qu’aucun étrange ne la charrie ne l’enlève ne l’oblige à tout remettre en jeu.

Entre temps je suis encore plus loin dedans moi-même, la voix retournée comme un linge blanc humide qu’on pose en baillon et plus que les doigts sur le clavier pour s’en sortir...


Aix_-_cloître_St_Sauveur.JPG
fr.wikipedia.org

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