pas encore aperçu le rendu de ce sommeil. quelle tête ce matin, quel visage..?
les miroirs me sont passés au travers.

je songe à la photo dont on sait le miracle, cette transfiguration à l’instant du déclic. ce n’est plus ni quelqu’un, ni un paysage,c’est un regard. et ce n’est que ça qui apparait soudain aux yeux des autres, une perception, une inter-perception, une interception.
lorsqu’une photo est retouchée ou traitée, l’intelligence s’est mise à l’œuvre mais le premier jet, ce qu’il y a, là, venu d’un fond d’œil est une étonnante découverte du comment l’on vous voit aussi. l’excellence de certains portraits, la laideur systématique d’autres que l’on ne tire jamais qu’à l’exact point de leur grimacerie, de leur froissement. au doigt à l’œil, à la pulsion intime.
ainsi suit et se réalise l’impression que vous procure un être.
il n’y a pas de visage laid, pas de monde, de paysage laids. il n’y a que des interprétations comme dans tout art.
que son support soit un bloc de granit, une palette de couleurs, des objets récupérés ou le bouton d’un appareil photo, il y a cette transmission unique qui est l’interprétation, l’acte re-créateur, la pulsion d’amour, de haine, d’indifférence qui deviendra visible.
je renvoie aux faiseurs de laideur leur propre image, le calque de leurs sentiments.
on me demanda un jour de servir à illustrer photographiquement la femme. nous étions deux. la première fut mise en tailleur, avantages jambes, coiffure, maquillage. je mis tablier, fichu dans les cheveux, seau, balai. me fallait rien faire... j’avais compris." la photo fut "réussie"
un observateur de passage lâcha alors en me regardant "quel salaud... cet accord inattendu avec mon sentiment d’humiliation me préserva des larmes.