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Pas de poème, je suis plongée dans le marc du...

mercredi 8 mai 2019, par Anna Jouy

Pas de poème, je suis plongée dans le marc du matin mais les oracles sont à la bourre. Des bruits des gens, qui parlent fort. Ils sont si seuls qu’ils hurlent dans leur téléphone. La glu ordinaire, la gare, la foule, le boucan des figures qui se télescopent sur la rétine. Trop. Train pris en avance, attendre ici ou là-bas… Trajet long ennuyeux si je veux. J’exerce mon anglais en écoutant le monologue téléphonique d’un voisin qui se sait seul au monde. Tandis que la Terre roule au pas de bielle sur les fenêtres écrans. Le vert des prés est coriace sous la dent quand il pleut. Couleur éteinte, emmitouflée de terre et de boue. Et les villages semblent sortir des paysages comme des bubons rouges et blancs, le pus industrieux des hommes.
Je ne suis pas prête à me faire à ce nouveau monde. Mon être résiste en s’agrippant à un vol de tourterelle. Ici, il n’y a pas un coin d’espace qui ne soit bousillé. Partout le regard « s’écharde » à des verrues, des dépôts, des arêtes. Je n’ai droit qu’à des tacons de nature intacte. C’est dire si je respire petit et décousu.
Il y a sûrement des raisons pour devenir sauvage. J’apprends sur les dents, la rage. J’apprends de ces heures dans le bain qu’il est nécessaire de sortir de la horde sinon l’œil abîme le cœur et l’esprit. Étouffement par la laideur, épuisement du paisible, encerclement de la voix. Mais les flaques allument les visages.


© Ruedi Helfenstein

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