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voyage

dimanche 27 octobre 2013, par Anna Jouy

le soleil sur cette route. je marche. une invitation. cela va me prendre 3 heures en pleine solitude et dans la nature. c’est un printemps resplendissant. il est mort il y a presque 5 jours, je l’ai appris hier, alors qu’on allait l’enterrer. très loin de moi, dans la France, encore après Villefranche de Rouergue. je marche et cette sensation que lui ayant quitté cette terre, j’y étais devenue moi aussi étrangère...cela se passe et je n’en suis pas. tout me semble à cet instant barbare, je suis hors de la vie moi aussi, hors du chemin, hors du temps. et je perçois chaque pas comme une malédiction. le vaisseau spatial m’a laissée là..c’est ce que j’ai pensé, dans un monde d’où je ne saurais plus m’extirper.

... j’ouvre la porte c’est l’aube. toujours cet instant de faire les choses les meilleures, les choses les plus difficiles aussi. c’est l’été. le deuxième jour de mes vacances. je tire ma valise vers ma voiture. ça y est je pars. j’ouvre la porte. je glisse tout ceci sur le siège arrière. je suis prête. c’est décidé je le fais, je pars en vacances seule, je vais à Castanet, ce village perdu où il est.
c’est la première fois que je m’aventure, que j’ose, que j’y vais. mue par de la reconnaissance, de l’amour peut-être.
je me sens encore prendre le virage ce matin-là, respirant un grand coup, comme pour me jeter du plongeoir.
je sais, c’est risiblement petit. penser être Armstrong alors que je pose mon pas dans le carré de sable de la planète. mais non, je n’ai encore jamais fait ça. seule en route, movie road en Citroen C1, une carte de géo dans la portière et mon lecteur CD épelant pour moi une musique digne de l’aventure.
ça roule. j’ai le sentiment de fendre des territoires entiers d’étoupe, de trancher dans la vie et de tracer le large.
je me sens si forte...de ce rien que personne ne peut comprendre. cette sensation de mettre en œuvre, en images, mes mutations personnelles. et puis tout le long de la route pouvoir essaimer pour lui, qui m’attend sous son tas de terre, les différents, les rires, les soirées en cuillère l’un croupi contre l’autre...
cette sensation si pleine de faire juste et avec ce courage qui me manque si souvent, sensation jamais encore revisitée. nichée désormais en mon centre comme un instant de grâce, unissant le passé sans cesse ramené à la surface et en même temps, le futur sous la forme grandiose d’un pays qui s’ouvre devant moi et pour moi.

je n’ai presque pas voyagé. tant de gens le font comme des choses normales et faciles. j’avais un but, un but intérieur. c’est pour ça sans doute qu’il m’a été possible de partir, de faire la route, en solo, dans ma Citron coquille. c’est pour cela aussi que c’est un regret qui me taraude.
pouvoir le faire encore

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