...mais on ne m’expliquait jamais ce que c’était. cela me laissait de grandes baies, des vitres sur des paysages qui n’en finissaient plus. j’y réfléchissais. j’avais toujours alors la sensation du mystère. quelque chose me fichait la nostalgie, une sorte de nausée triste qui est probablement celle des habités du drame.
ne pas savoir, et bien me douter qu’eux non plus n’en savaient rien. leur rendre aussitôt cette chose inviolée, le secret de famille, cette douleur épaisse. (-il faudrait inventer un autre mot pour ce rendu de matelas de feuilles, de kapok qui dressaient ( et ce jour encore) entre moi et les autres un étouffement continu.)
ne pas leur laisser l’impression de mon incompréhension. j’inventais la révélation, les rendant tout aussitôt pareils à moi : inquiets de vivre sur des bases si instables.

"...- Me donneriez-vous, pour consultation simplement, votre troisième livret ?
– Mais ? Que croyez-vous y trouver ?
– Je n’en sais rien en fait. C’est comme ça. Je suppose que votre histoire me titille, m’intrigue, m’intéresse. Bref, je voudrais presque comprendre.
– Professeur, il n’y a rien à comprendre. On pique le matériel parce qu’on ne veut pas payer. C’est tout.
– En effet. Mais il y a quand même un truc bizarroïde. Ce qui vient de se passer, c’est un peu comme si on avait volé un petit maître alors qu’on avait un Delacroix à portée de la main. Regardez vous-même. Cette collection de Jules Verne vaut à coup sûr dix fois plus que les oeuvres de l’Abbé. J’en déduis que notre voleur est peut-être bien un féru de l’art vocal, ou alors plus simplement un imbécile.
– Je penche pour un troisième choix. C’est un pervers doublé d’un sadique..."