J’entre dans les précipices de la nuit, tenant ma plume bien droite pour tailler l’obscur. Raffinerie d’encre. Je passe, de tamis en tamis, de rêves lourds à des espèces fines, talc des pierres de sels. J’exhume des histoires de ces mires. On a beaucoup vécu quand on a le temps de sa rêverie à exploiter !

Suis entrée dans la nuit, dans une nouvelle tranche du monde où de nouvelles têtes, de nouvelles villes me traversent et viennent à ma rencontre. Je dors décidément parmi des mots à la cloche de bois.

Dilution de l’espace, érosion des profondeurs. Il semble que des milliards de mondes décantent leurs particules, trous habités autant d’étoiles que de verbes, autant d’épingles que de mythes zodiaques. L’espace de la nuit permet à des choses neuves d’éclore.

Voici. Eclosion d’une limousine noire dans le parc naturel de mon existence, de leds intérieurs bleus ; c’est l’actualité du moment,-il est 4 heures-, un instant le coin de mon jardin fait partie d’un film. Le chat épouvanté entre dans la cuisine, éclair de poils hérissés. Un petit peu de moi s’effraie aussi. Je regarde passer ce long cigare secret. Qui donc peut s’arrêter là, dans la campagne de ma nuit, et dans une telle voiture pour repartir soudain dans un anonymat de star ou de gangsters ?

Je n’en sais rien, j’ignore. Je vais peut-être tout le jour y penser…
Quel scénario a guidé un magnat, une poupée, à venir respirer l’air de chez moi, ou celui de mon voisin faut-il dire honnêtement ?

Constaté alors que la paix univoque de mon sommeil peut-être habitée de choses, d’êtres, de trolls qu’il faudrait surveiller et débusquer. Ils existent donc ?
Objet d’une attention extraordinaire, d’une attention intriguée, le monde fait pour moi surgir des fables, des histoires, des propositions étranges. Irruptions de personnages, mouvements zoomés d’une caméra aérienne…Ici dans ma campagne solitaire vient de s’arrêter un Notorius bagué, un roi nègre à la kalachnikov ou la blonde star d’un pornoland en quête du pays d’Oz.